« Le Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur, vous est né. » Luc 2 :11.
C'est un grave obstacle aux progrès, même chez les croyants, qui sont gardés par la grâce de Dieu, quand ils entreprennent de combattre par leur propre force leurs péchés, les maladies de leurs âmes, et les malices de leurs cœurs, secrètes ou manifestes, grossières ou subtiles. On tâche de se retenir quand on sent venir la colère, pour empêcher qu'elle fasse explosion; on s'efforce de se surmonter quand on est attiré par la convoitise charnelle, par l'orgueil ou par d'autres péchés. Mais la misère et la désolation persistent au fond de l'âme. A quoi donc cela tient-il? Cela provient de ce que nous ne comprenons pas assez le sens de cette importante parole : « Un Sauveur vous est né, dont le nom est Jésus, parce qu'il sauvera son peuple de ses péchés. » Il n'est pas dit que son peuple se sauvera lui-même; non! mais lui, le Sauveur, « cest lui qui sauvera son peuple de ses péchés; » c'est lui qui le fera, car nous, nous n'avons pas à le faire; aussi bien ne le pouvons-nous pas. C'est par Jésus que nous devons nous laisser délivrer du péché. A cet effet, il faut que nous détournions sincèrement notre volonté de tout ce qui est péché et corruption, au lieu d'y consentir et de le conserver sciemment ou même en y prenant plaisir. Mais gardons-nous de croire que ce soit par nous que ce mal puisse et doive être détruit. Non, c'est là l'œuvre de Jésus. Tournons-nous vers lui; donnons-nous à lui; que lui seul entre dans nos cœurs, et c'est ainsi que nous serons délivrés.
Jésus nous affranchit effectivement du péché. Oh! quelle joie pour une âme, quand elle sent la puissance surnaturelle de JésusChrist opérer dans son cœur cette délivrance, qu'elle même était impuissante à accomplir! Alors elle peut dire ce que signifient ces noms de Sauveur et de Rédempteur; alors elle est délivrée de cette désolation provenant de la chute d'Adam; alors seulement elle comprend ce que Jésus a voulu dire aux Juifs par cette parole: « Si le Fils vous affranchit, vous serez réellement affranchis. »
Il y a plus encore : « Le Sauveur, qui est le Christ, vous est né, dit l'ange aux bergers. Christ signifie oint. Par la chute, l'homme a été privé de toute onction divine et de toute capacité pour le bien, et c'est dans cette impuissance que se trouvent tous les enfants d'Adam. Il est vrai que l'homme peut feindre la douceur et l'humilité, sans être au fond ni doux ni humble de cœur. Il peut aussi, à force de contrainte et d'efforts, exercer d'autres vertus quant à l'apparence extérieure; mais malgré cela il ne possède point la vertu véritable. A ces hommes qui, tout en voulant servir Dieu en toutes choses, font l'expérience que leur œuvre n'est que superficielle et impuissante à satisfaire ni Dieu, ni leur propre cœur, à ceux-là l'ange annonce que le Christ, l'oint du Seigneur, né à Bethléhem, est celui qui peut suppléer à tous leurs besoins et qui peut tout leur donner.
Ce Dieu-enfant a été, en tant qu'homme, oint du Saint-Esprit et de ses grâces divines. Par lui nous pouvons être sanctifiés, et il n'y a aucun autre chemin pour parvenir à l'être que notre Emmanuel. S'il a été oint, c'est pour pouvoir communiquer cette onction et cette vertu aux hommes, à chacun selon sa mesure.
Si nous désirons devenir pieux et saints, si nous voulons être humbles de cœur, doux et purs, tournons-nous vers Christ, dans notre grande pauvreté et notre profonde misère, et cela non-seulement par nos pensées et les méditations de notre intelligence, mais de tout notre cœur. Oh! si nous comprenions tous combien c'est chose aisée que d'arriver par ce moyen à la piété et à la sainteté, quelle ne serait pas notre joie! Pourvu que nous venions à Jésus avec une confiance enfantine pour nous unir à lui, nous ferons l'expérience que de même que cet enfant est né autrefois à Bethléhem, ainsi sa stature divine se forme de plus en plus dans nos cœurs. C'est alors que nous sentirons qu'un esprit de douceur, d'innocence, d'humilité, de pureté et de simplicité nous est communiqué, et nous ferons l'expérience que tout ce qui est bien nous devient facile et naturel. Ames qui cherchez Dieu, laissez-vous doucement pénétrer par ces influences de Jésus-Christ, et dans cette communion intime et silencieuse, vous acquerrez en un jour et même en une heure ce que votre propre activité ne saurait jamais produire.
Si Christ naît en nous, le royaume de Dieu est rétabli en nous, et notre cœur redevient la maison de Dieu.
« Celui qui m'aime gardera ma parole, et mon Père l'aimera, et nous viendrons à lui et nous ferons notre demeure chez lui. » « J'habiterai chez vous, et je marcherai au milieu de vous, dit le Seigneur; et vous serez mon peuple, et je serai votre Dieu. » Le rétablissement du royaume de Dieu dans nos cœurs est le but essentiel de l'incarnation du Fils et de toute la rédemption par Christ. Or, si David a pu dire: « Trouvez-vous que ce soit peu de chose que de devenir le gendre du roi? Qui suis-je pour devenir le gendre du roi ?» ne sommes-nous pas autorisés à dire à bien plus forte raison : Cela vous semble-t-il peu de chose que je doive devenir un temple de Dieu, et que mon cœur, qui était un enfer, doive renfermer un avant-goût du ciel, avoir part à la grande joie et à la sainte grâce que ce Dieu-enfant nous a apportées du ciel? Pensons-nous que nous pourrons voir le royaume de Dieu ou entrer au ciel, si le ciel ne vient pas premièrement dans nos cœurs, et si le royaume de grâce, dont nous demandons chaque jour la venue, n'est pas établi d'abord en nous? Non! jamais cela ne se fera. Oh ! gardons-nous de nous priver avec une si coupable légèreté de notre salut et de notre héritage céleste, mais au contraire hâtonsnous d'en devenir participants.
Jésus-Christ, né à Bethléhem, formé dans nos cœurs, habitant, trônant et régnant dans nos âmes, voilà l'échelle par le moyen de laquelle les croyants montent au ciel. Et lorsqu'ils y arriveront, ce ne sera pas un ange qui leur dira : « Voici, je vous annonce une grande joie »; mais le Seigneur Jésus en personne prononcera ces paroles : « Venez, vous les bénis de mon Père, possédez le royaume préparé pour vous avant la fondation du monde. Bons et fidèles serviteurs, entrez dans la joie de votre Seigneur; » non pas dans la joie d'un roi de cette terre, ni dans une joie mélangée de tristesse, comme l'est celle de votre pèlerinage terrestre; mais entrez dans la joie de votre Roi éternel, dans une joie sans nulle peine, dans -une joie sans fin, dans une gloire indicible.
Gerhard Tersteegen, Le Libérateur, Vol. 2, Mars 1876.